Amour et désir sexuel ne vont pas nécessairement de pair
Il n’est pas rare que lors d’une thérapie de couple, la question de la baisse de libido soit abordée. Les couples installés depuis longtemps ensemble constatent souvent des variations de l’intensité de leur désir sexuel au gré des événements de leur vie : enfants, déménagements, deuils, ennuis plus ou moins durables dans le couple, disputes, problèmes au travail etc… Seulement, aborder ce problème n’est pas toujours chose facile. La sexualité, malgré un affichage social plus ou moins assumé, n’en est pas pour autant libérée sur le plan intime. On n’ose pas souvent dire ni même s’avouer à soi-même ce que l’on pense du sexe et de la sexualité, ce dont nous avons envie, ce qui ne nous plait pas ou même ce que l’on aimerait tester. Alors, l’aborder avec un psy, c’est encore une autre affaire. C’est pourquoi, j’ai eu envie de partager ma lecture, avec l’espoir de permettre à ceux qui se posent des questions à ce sujet, psys ou patients, d’y voir plus clair.
Entre proximité et séparation, trouver la bonne distance pour le désir sexuel
Pour Esther Perel, il est primordial de comprendre que pour beaucoup de personnes, l’amour et le désir ne vont pas très bien ensemble. Autrement dit, qu’il est tout à fait normal, au bout d’un certain nombre d’années de vie commune, de constater une baisse du désir sexuel. Sans que cela n’ait de lien avec une diminution de l’amour que l’on porte à son conjoint. On peut aimer son partenaire de vie et pourtant, avoir peu de désir sexuel pour elle ou lui. Il est en effet fréquent de penser « si je n’ai plus envie de faire l’amour avec elle/lui, alors c’est que je ne l’aime plus », ou « si elle/il n’a plus envie de moi, c’est qu’elle/il ne m’aime plus ». Or, non, ce n’est pas aussi simple que ça.
Là, c’est peut-être un peu trop loin
Cela vient pour l’auteur du fait que « l’érotisme a besoin de séparation » ! Nous voilà donc bien partis quand, justement, en fondant un couple, nous recherchons souvent la fusion ou a minima la sécurité ! Esther Perel va même jusqu’a annoncer : « _Je mets en garde mes patients : le sexe sans risque n’existe pas_« . Et cette idée est une base pour expliquer certaines situations d’infidélité dont elle parle dans sa conférence TED en 2015. La question se pose donc : comment faire coexister l’amour et le désir ? Cette relation de cause à effet que nous pensions évidente ne le serait finalement pas… DU TOUT. Et Esther Perel de citer l’une de ses patientes : _La réaliste en moi sait bien que si je vibrais au début de notre relation, c’est parce-que je n’étais pas sûre de ce qu’il ressentait pour moi_« . Cette remarque vous parait peut-être familière ou correspondre un vécu personnel ? C’est normal, nous dit-elle, car elle ne pense pas, comme cela est parfois communément admis, que le sexe soit une métaphore de la relation : « _la sexualité est davantage que la métaphore de la relation : elle existe seule, à la manière d’une histoire parallèle_« .
L’auteur explique que la vie de couple a évolué au fil du temps. Aujourd’hui, il parait logique dans la plupart des sociétés moderne de considérer que mariage et passion vont de pair. Mais cela n’a franchement pas toujours été le cas. C’est seulement le concept d’amour romantique apparu à la fin du XIXè siècle qui a réuni ces deux notions. Pendant longtemps, le mariage était surtout un moyen de survivre économiquement et l’amour n’était pas indispensable pour fonder une famille.
L’amour n’a pas toujours été une question de romantisme
Peu à peu, le sexe a pris une place de plus en plus centrale au sein du couple et nous pouvons même parler de nos jours d’une ère de plaisir. Dans le même temps, nous ne vivons plus proches de nos familles, nous déménageons souvent (ce qui créé des ruptures et donc des deuils), les solidarités sociales sont moins prégnantes et notre liberté devient plus grande. Or, tout ceci est générateur d’insécurités affectives. Le couple voit donc s’exercer sur lui un ensemble de pressions liées à son statut de protecteur contre l’angoisse, ce qui était auparavant le rôle de nos familles et de nos cercles sociaux. Le besoin de sécurité se voit donc reporté sur un partenaire de vie qui doit à lui seul nous « _fournir un rempart contre les vicissitudes de la vie moderne_« . Tout un programme susceptible d’être effrayant.
Par conséquent, Esther Perel explique que nous nous mettons en couple en niant une partie de la personnalité de l’autre afin de permettre notre sentiment de sécurité. Et au nom de l’amour, nous restreignons également beaucoup de nos traits de notre personnalité. Par cette approche, nous cherchons une stabilité et une prévisibilité rassurantes. Ceci est accentué par des idéaux égalitaires qui nous confrontent souvent à des contradictions dans le domaine sexuel car « _ce qui produit une intimité agréable ne produit pas toujours une sexualité satisfaisante_« , l’excès de proximité ou même d’égalité peut totalement entraver le désir. Nous voilà donc mal engagés…
« _Dans l’ombre du désir, on trouve l’agressivité, le pouvoir, la volonté de faire de l’autre un objet. Autant de composantes de la passion qui ne nourrissent pas forcément l’intimité. Le désir a sa trajectoire propre_« , nous dit l’auteur. « _La force de l’imagination érotique, c’est de pouvoir outrepasser la raison, les conventions et les barrières sociales_« . Pas si facile.
La sauvagerie peut aussi être synonyme de jeu et de plaisir
Est-ce alors à dire qu’il faille nécessairement contacter nos pulsions les plus enfouies pour pouvoir faire l’amour à notre partenaire de vie ?
Non, bien sûr. Mais il parait important de cultiver la différence à l’intérieur même du couple. Cela ne signifie pas verser dans une vie de totale indépendance, mais que la liberté individuelle doit continuer d’exister chez chacun des conjoints. Nous devons être capables de conserver notre réseau relationnel personnel et pas seulement celui du couple par exemple et de conserver des traits de personnalités très différents de notre conjoint.
Cela demande cependant un certain lâcher-prise. Il nous faut en effet oser nous avouer (sans nécessairement le partager verbalement) qu’il existe en nous un côté sauvage et avide. Or, ce côté brut de nos personnalités est aujourd’hui considéré comme négatif et nous devons le domestiquer pour les besoins de l’ordre social. Toutefois, il doit pouvoir être exploré et réhabilité pour nous permettre de créer une intimité sexuelle. Ceci évidemment, tant qu’il respecte le consentement de chacun des partenaires.
On peut être libre, indépendant et intime dans son couple
Au final, « la tension entre la sécurité et l’aventure est un paradoxe à gérer, pas un problème à résoudre. C’est comme un casse-tête » affirme l’auteur. A chacun de nous de trouver, ensemble, comment nous y prendre, en prenant notre temps, car « _ce double besoin de lien et d’autonomie nous demande bien souvent toute une vie de pratique_« , précise-t-elle.
Cependant, il reste parfois difficile d’évoquer les questions de sexe avec son partenaire. On vient ici toucher le domaine de la confiance en soi et celui des tabous familiaux sur ce sujet. Il est donc parfois nécessaire en thérapie de faire un petit détour par ces thèmes souvent également abordés en thérapie individuelle. « que signifie le sexe pour vous ? Est-ce que vous en parliez dans votre famille ? Quels sont les événements importants qui ont façonné votre sexualité ? « , leur demande Esther Perel, car « _nos préférences sexuelle sont issues de nos émotions, des défis et des conflits que nous avons connus_« .
Nous apportons notre histoire de vie et nos conflits psychologiques sous la couette
Nous sommes donc bien ici, au coeur de la construction psychologique. Le désir sexuel n’est donc pas exclusivement une histoire de chimie physique. Il vient aussi de nos liens d’attachement et de notre rapport à la dépendance et à l’indépendance. Et pour pouvoir jouer avec le pouvoir, il est important d’être au clair avec nos propres liens à ces deux notions. Les relations avec nos figures d’attachement laissent des traces dans nos schémas érotiques : relations empreintes de culpabilité qui se transforment en inhibitions sexuelles, dégout de soi qui devient besoin de contrôle de l’autre pour se protéger d’une insupportable vulnérabilité, hontes de l’enfance qui participent à une soumission subie et non choisie par incapacité à accéder à nos besoins propresetc…
Le livre d’Esther Perel s’adresse donc tout autant à des psys qui reçoivent des couples qu’à des couples en questionnement sur leur sexualité. Malgré son titre accrocheur qui peut faire penser à des pensées légères sur l’intimité sexuelle, il traite en fait de façon minutieuse d’un sujet ô combien « gênant » pour beaucoup de couples, en le replaçant dans son contexte historique, psychologique et social.
Pour que cet article ne soit pas trop long, j’ai volontairement mis de côté certains abords comme la place de la parentalité ou de la religion dans l’érotisme du couple. J’ai prévu de faire prochainement une version vidéo de cet article où il me sera plus facile d’intégrer ces éléments pour ceux que cela intéresse.
Pour approfondir le sujet, vous pouvez lire l’article du Temps sur le couple qui intègre les props d’Esther Perel. Ou l’émission consacrée au dernier livre de l’auteur sur l’infidélité.
Esther Perel y parle de sa vision de l’infidélité comme non nécessairement intrinsèque au couple mais comme une problématique narcissique, liée à des questionnements individuels. Elle indique également dans sa conférence TEDx comment en guérir, voire comment transformer cette crise du couple en opportunité pour mieux vivre ensemble.
Un autre TEDx sur le sujet du désir dans le couple est visionable sur Youtube, la thérapeute Isabelle Constant y livre une proposition de solution.
Psychologue, Psychothérapeute, Psychopraticienne relationnelle
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